Le Maître intérieur

Revue de pédagogie

La Personne à l'école , Alice de RAMBUTEAU

Telle que tu es

NUMÉRO


2025

Ma fille Marguerite était en CM2 dans une école prestigieuse où elle avait fait une scolarité plutôt heureuse mais chaotique comparée aux exigences de l’endroit : une maladie chronique la fatiguait beaucoup, lui faisait louper des cours, et n’arrangeait pas ses relations avec les élèves de sa classe. Marguerite n’ayant pas les notes suffisantes pour poursuivre son collège dans cet établissement, l’idée était qu’elle poursuive sa scolarité en 6e dans un collège moins élitiste, dont la réputation d’un environnement de grande gentillesse s’ajoutait à l’intérêt de se trouver à quelques pas de la maison, ce qui était commode pour lui donner ses médicaments quotidiens à l’heure du déjeuner.

Première candidature, refus. Les notes de Marguerite n’étaient pas assez bonnes. Je n’avais pas évoqué cette maladie qui ne facilitait pas l’obtention de bons résultats scolaires.


« Tu sais, Marguerite, tu resteras avec nous jusqu’en terminale si tu le souhaites ; chez nous, on ne part pas à cause de mauvais résultats, on t’accueille telle que tu es. »


Deuxième candidature en évoquant cette fois-ci son souci médical : on obtient un rendez-vous avec la responsable des 6e. Elle me reçoit seule quelques instants, puis accueille dans la foulée Marguerite qui devient l’unique centre de son attention. Ma fille répondait tranquillement aux questions, je la sentais à l’aise. A la fin de notre entretien, après nous avoir confirmé son entrée au collège, la responsable des 6e regarde ma fille et lui dit : « Tu sais Marguerite, tu resteras avec nous jusqu’en terminale si tu le souhaites ; chez nous, on ne part pas à cause de mauvais résultats, on t’accueille telle que tu es. » C’est là que l’accueil dans un établissement scolaire a pris pour moi une dimension tangible. Ma fille existerait pour ce qu’elle était en tant que personne, unique, avec des particularités dont sa maladie, mais aussi d’autres contours.

Dès les premiers mois, Marguerite s’est ouverte. L’assurance que les mots de la responsable des 6e lui ont donnée a pris corps, et l’a en quelque sorte libérée : ses qualités de joyeuse organisatrice se sont révélées et sa confiance en elle s’enracinant, ses résultats scolaires ont dépassé ce dont elle se croyait capable.

Le métier qu’elle exerce maintenant, responsable RH de plusieurs centaines de personnes, a certainement germé dans cette confiance en l’autre tel qu’il est, qu’a démontrée l’équipe pédagogique tout au long de son collège et son lycée.