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La Personne à l'école , Isabelle RAVIOLO

Naître personne : l’enjeu de la philosophie

NUMÉRO


2025

« L’événement eucharistique est l’acte pédagogique le plus essentiel. » Édith Stein

Que peut signifier aujourd’hui l’enseignement de la philosophie en classe de Terminale ? Quel lien se noue entre l’enseignant et ses élèves dans une salle où le rapport au corps est déjà figé par une position assise, une disposition en rangs, une estrade, et des classes surchargées (40 élèves) ? Comment y intégrer le « philosopher » qui implique une rupture avec ce que les sceptiques appelaient bios, c’est-à-dire la vie quotidienne ? Cela relève du défi. Et il s’agit de le relever avec confiance, d’entretenir la flamme de l’espérance, de croire en l’avenir des jeunes. Car c’est bien au courage d’une parole philosophique vivante que les enseignants sont appelés aujourd’hui dans les lycées comme dans les Universités. Par-delà les conditions de travail, les réformes, les déconstructions, quelque chose demeure : la force d’une parole, sa fécondité. Et celle-ci ne trouve sa pleine mesure que lorsqu’elle ouvre l’esprit des jeunes, éveille leur conscience faisant naître en eux le désir de chercher, de questionner, de s’émerveiller. Or si toute philosophie commence avec l’étonnement[1], le premier n’est-il pas celui de naître à soi-même en tant que personne singulière, reliée aux autres dans le corps social ?

Qu’est-ce donc qui fonde la force de cette parole philosophique ? En quoi est-elle une parole qui éveille et donne la capacité de se constituer comme cette personne individuelle, comme cet adulte libre, d’aller dans le sens de son être ? Ce qui rendait Socrate singulier, atopos, c’est-à-dire inclassable, était son « naturel philosophe »[2] : son amour de la sagesse le mettait « à part » non en cela qu’il se coupait des autres, mais pour cela même qu’il les rejoignait « en personne », corps & âme. Socrate en chair et en os, Socrate présent au milieu des Athéniens de son temps ; ce n’est pas un Socrate virtuel ni un Socrate « en distanciel » : c’est une présence, une existence, une parole engagée parce que libre : Socrate dit ce qu’il pense, il parle en vérité. Il se met au service de cette vérité, il en devient l’hôte, l’ami, contre la misologie ambiante qui n’est pas sans nous rappeler la nôtre. La libre décision personnelle tient pour lui à cette position philosophique qui ne va pas sans « ascèse » c’est-à-dire sans un renoncement à toutes les formes de compromis. Au XXIe siècle, pour le philosophe, l’enjeu reste le même qu’au Ve siècle avant J.-C. : celui de refuser la facilité, le confort du prêt-à-penser ; celui de douter des sons et lumières de la caverne[3]. Philosophie oblige. Et cette obligation tient à la distance critique, à l’interrogation, au discernement en vue de ne pas confondre tout ce qui brille avec de l’or. Comme le disait Alain, le doute est « le sel de l’esprit » ; il rend possible la vie de l’esprit, son relief : « sans la pointe du doute, toutes les connaissances sont bientôt pourries », ajoute-t-il dans ses Propos.[4] Retrouver ce « sel », redonner au philosopher toute sa « saveur », n’est-ce pas alors éveiller les consciences, faire naître chaque élève à lui-même, l’acheminer vers son propre centre, vers le fond de son âme, là où il est vraiment en phase avec lui-même, capable de se décider librement et d’accéder à une existence authentique ? C’est ce à quoi nous exhorte Édith Stein, phénoménologue du XXe siècle et carmélite[5] : « Le centre de l’âme est le lieu à partir duquel on peut entendre la voix de la conscience et le lieu de la libre décision personnelle. »[6] Depuis le centre de son âme, l’élève peut s’ouvrir à la possibilité de prendre position en examinant la vraie situation, de manière conforme à la raison, en tant que personne libre. La philosophie ouvre l’esprit, elle libère l’âme et règle l’agir à partir de ce centre intérieur. Elle s’authentifie donc comme une parole libératrice en cela qu’elle fait naître l’élève comme « personne », le fait advenir en « personne », en adulte libre.


« Retrouver ce “sel”, redonner au philosopher toute sa “saveur”, n’est-ce pas alors éveiller les consciences, faire naître chaque élève à lui-même, l’acheminer vers son propre centre, vers le fond de son âme, là où il est vraiment en phase avec lui-même, capable de se décider librement et d’accéder à une existence authentique ? »


Dans l’héritage de la pensée d’Édith Stein, il s’agit pour nous de comprendre ce lien comme le lien de la liberté, non au sens de l’autarcie vide et anarchique, mais de la libre réponse à la conscience. En cela seulement on pourra parler d’éducation de la personne par la philosophie. En soulignant « les rapports de la liberté avec le fond intime »[7], Édith Stein met en lumière le lien profond entre la dimension spirituelle et la dimension éthique de l’existence : par le philosopher, l’élève est ainsi appelé à « vivre en son fond intime et de là à prendre en main la conduite de sa vie. »[8] Tout l’enjeu est donc l’accomplissement de sa liberté humaine – exigence éthique de « naître personne » comme nous l’avons écrit dans notre titre, c’est-à-dire d’avoir à se référer à son intériorité comme à cette source où prennent racine de libres décisions. C’est là que réside « la vie originelle de l’âme en son essence. L’âme y vit telle qu’elle est en soi, au-delà de tout ce qui est provoqué en elle par les créatures. Même si ce fond est la demeure de Dieu et le lieu où s’accomplit son union avec Lui, sa vie personnelle s’y écoule néanmoins avant que ne commence la vie de l’union. »[9]


« Pour Édith Stein, “la formation (Bildung) n’est pas la possession extérieure d’un savoir, mais la forme (Gestalt) que revêt la personnalité humaine sous l’influence de multiples forces façonnantes ou encore le processus de ce façonnement.” »


La personnalité de l’élève prend alors tout son sens dans la spiritualité de sa personne qui s’exprime comme une ouverture à l’intériorité de l’âme et comme don de soi aux autres dans l’espace-temps du dialogue, dans la vie du corps et de l’esprit. Puisque « l’être humain est un être possédant un corps, une âme et un esprit »[10], le geste éducatif devra s’exercer inséparablement sur le corps, les facultés spirituelles de l’âme (désignées par le terme générique d’esprit), et le sens affectif qui correspond à la capacité de s’ouvrir au monde des valeurs, pour rejoindre le centre le plus intime de la personne d’où procède sa complète recréation. L’ascèse éducative va alors s’appliquer à fournir à la personne une nourriture formatrice adéquate, à savoir les énergies corporelles, intellectuelles et spirituelles propices au déploiement d’une « personnalité mûre, pleinement épanouie. »[11] En éduquant, nous donnons forme à la vie que le jeune élève porte en lui, à ses talents, à son désir profond de vérité, d’être et d’identité accomplie. C’est pourquoi pour Édith Stein, « la formation (Bildung) n’est pas la possession extérieure d’un savoir, mais la forme (Gestalt) que revêt la personnalité humaine sous l’influence de multiples forces façonnantes ou encore le processus de ce façonnement. »[12]

Le défi de la philosophie : la liberté de l’Homme

Comme nous le disions en introduction, enseigner la philosophie relève du défi. Mais quel est-il au juste ? Il est un défi devant l’appauvrissement de la parole, de la pensée. Et comme tel, il s’énonce comme un acte de résistance, comme le courage d’une liberté qui refuse les compromis et les replis : la liberté de ceux qui osent reconnaître que « penser fait la grandeur de l’Homme »[13] et qui agissent selon cette exigence éthique, c’est-à-dire dans le sens d’un libre engagement du sujet conscient. Cette vocation humaine attend l’unique réponse de chaque personne : sa responsabilité qui l’engage sur le chemin de l’existence. « Travaillons donc à bien penser : c’est le principe de la morale. » Ce n’est pas une injonction moralisante que Pascal nous exhorte à suivre, c’est un engagement libre qu’il nous appelle à vivre pleinement, en vérité. Voilà en quel sens il y va d’un défi pour l’enseignant comme pour l’élève : car il s’agit bien là d’une responsabilité à l’endroit de sa personne, c’est-à-dire de cette intériorité que l’élève a le devoir de conserver comme un bien précieux que Dieu lui a confié. Cela signifie que chacun est convoqué par sa propre conscience devant lui-même, en tant qu’il se découvre ainsi « invité à » collaborer activement à cette tâche suprême qui consiste à s’éduquer, à donner forme à sa propre vie en reliant la lumière naturelle de la philosophie à la lumière surnaturelle de la grâce : de la vérité démontrée à la vérité révélée un passage s’ouvre, un chemin de vie intérieure se fraie, et la personne advient dans l’unité de son être. C’est ce trésor de l’intériorité de la personne qui est confié à la responsabilité de l’éducateur-enseignant. Il a le devoir de le faire grandir, de lui permettre de s’épanouir jusqu’à sa pleine maturité[14]. Cette « obligation » morale se fonde sur une anthropologie qui pose la personne humaine comme un être inachevé : « Tout travail visant à éduquer des êtres humains puise son orientation dans une certaine conception de l’Homme, sa place dans le monde, ce à quoi il s’occupe, de même que dans les possibilités d’agir pratiquement sur l’Homme et de le former. La théorie de la formation des humains, que nous appelons science de l’éducation, doit être organiquement intégrée à une vision globale du monde, c’est-à-dire une métaphysique. »[15] Pour Édith Stein, éduquer est un acte qui engage à constamment se questionner : interroger ce qu’est l’Homme, assumer la dimension, à la fois individuelle et relationnelle de la personne. L’éducation apparaît ainsi comme cet art de donner forme à la vie d’adulte, en déhiscence dans la personne du jeune homme ou de la jeune fille : on ne naît pas Homme (homme et femme), on le devient par une attention à soi-même comme à autrui qui suppose des efforts, des décisions ; mais cela suppose aussi une écoute attentive de cette vie intérieure, au plus intime de soi, et un discernement de ce qui est le meilleur pour soi, pour grandir en humanité avec les autres, au sein de la communauté humaine[16]. C’est pourquoi il convient de résister à toutes les tendances contraires, à ces désirs qui nous rendent dépendants de mécanismes délétères de pensée, de parole et d’action. Il s’agira donc pour l’éducateur-enseignant d’intégrer le jeune dans un processus de libération intérieure en lui donnant les moyens intellectuels, corporels et spirituels d’accéder à cette vie intérieure (à cette source de la vie divine en lui) favorable à l’épanouissement de son être, à sa fécondité spirituelle, et en écartant tout ce qui entrave ce déploiement.

Enseigner apparaît donc d’abord comme un acte d’amour, et par suite comme un acte profondément eucharistique en ce qu’il rend grâce d’une parole de vie, d’un souffle, d’un Esprit qui nous précède et nous traverse.

L’unité de l’Homme en Christ

Aujourd’hui, l’enseignant est plus que jamais un « résistant » tourné vers ce « travail » dont Pascal nous parle : il y va comme d’un enfantement, d’une gestation de l’esprit. Et à ce titre, il revient à l’enseignant de relever le pari d’un maïeuticien, d’accoucher les esprits des jeunes à l’instar de Socrate.

Car nous autres enseignants-philosophes sommes des semeurs de cette parole philosophique qui nous précède et nous traverse. Et si nous ne voyons pas toujours « les fruits » de ce que nous semons, le plus essentiel est pour nous d’espérer que cette semence, plus grande que nous, fasse son œuvre dans les esprits des adolescents, dans leur cœur, et prépare leur vie d’adulte debout, affranchis des diktats et des préjugés, à distance des buzz, des slogans et des fake news : des jeunes qui questionnent l’ère de la post-vérité, qui interrogent la novlangue ambiante et les images fallacieuses. Pour le dire autrement, il s’agit pour nous d’élever les jeunes vers leur esprit critique, d’en faire des personnes à part entière, des adultes libres et debout : « c’est le principe de la morale », et non pas d’une moraline, d’une bien-pensance obséquieuse. Contre « la tiédeur » qui consiste à rentrer dans les clous, l’enseignant a l’audace d’une revendication : celle d’une indépendance – celle à laquelle F. Nietzsche appelle ceux qui osent voyager, se laissent déplacer, et ne s’enlisent pas dans des routines : « l’essentiel est de savoir si nous sommes assez légers ou trop lourds – problème de notre « pesanteur spécifique ». Il faut être très léger pour se laisser pousser par sa volonté de connaître jusque dans un pareil lointain et, pour ainsi dire, au-delà de son époque, afin d’acquérir un regard qui embrasse des millénaires, et d’avoir de surcroît le ciel pur dans ce regard ! Il faut s’être détaché de tout ce qui justement nous oppresse, nous entrave, nous accable, nous alourdit. »[17] Le « travail à bien penser » n’a donc rien d’une contrainte, d’un pensum ; il ne relève pas d’un protocole. Il est un voyage aux confins du plus intérieur de soi, une descente dans les profondeurs de son être, ce que nous appelons ici un apprentissage à sa liberté de personne. Or si c’est bien à devenir des personnes que nous formons nos jeunes, il importe d’abord de définir ce que nous entendons par ce terme en commençant par le situer dans l’histoire de la pensée.


« Cela signifie que chacun est convoqué par sa propre conscience devant lui-même, en tant qu’il se découvre ainsi “invité à” collaborer activement à cette tâche suprême qui consiste à s’éduquer »


On peut tout d’abord relever l’équivocité de ce terme. Si le mot désigne toute personne humaine, qu’est-ce qui fait de nous cette personne dans son identité, dans sa différence propre ? On peut parler de personne juridique, de personne physique et de personne morale, et dans tous les cas, on reconnaît une identité à soi et une permanence à soi. Cette unité indivisible laisse entendre que la personne humaine constitue une intégrité d’être, une substance qui ne se réduit pas à ses qualités, ou plutôt qui les sous-tend. En ce sens, Thomas d’Aquin affirme que « la personne est ce qu’il y a de plus parfait dans la nature » [18]. D’abord employé pour désigner le masque de bois que portait l’acteur et qui indiquait la qualité et la condition de son personnage, ce que nous nommons couramment une « personne », désigne un individu déterminé, une propria natura par opposition à l’universa natura[19]. Pour Cicéron, il convient à chacun d’agir selon la persona que la nature lui a attribuée. Le sens est donc celui de la personnalité individuelle. En fait, Cicéron distingue quatre sens du mot personne : non seulement cette personnalité individuelle, mais la nature même d’homme, qui crée l’obligation de subordonner les appétits à la raison, et en plus le rôle qui découle de notre situation sociale, ainsi que celui que nous nous sommes fixé en décidant d’une conduite de vie, de profession[20]. On touche ici du doigt toute l’équivocité de ce terme : entre la nature particulière et l’image sociale (la seconde nature, les apparences dirait-on, ou encore le moi social, habituel, fabriqué), il y a comme deux « personnes » : l’une relevant de « l’Homme intérieur » (le soi profond, la substance dont nous parlions plus haut), et l’autre de « l’homme extérieur »[21] (le moi « mondain », de la galerie des glaces). Ainsi, le terme « personne » peut même devenir péjoratif quand il désigne ce masque d’acteur que nous revêtons selon les lieux et les situations : « J’avance masqué » (larvatus prodeo) disait René Descartes : « Comme un acteur met un masque pour ne pas laisser voir la rougeur de son front ; de même, moi qui vais monter sur le théâtre de ce monde où je n’ai été jusqu’ici que spectateur, je parais masqué sur la scène. Quand j’étais jeune, à la vue de découvertes ingénieuses, je cherchais si je ne pourrais pas en faire par moi-même sans l’aide d’un guide ; et c’est ainsi que je remarquai peu à peu que je procédais suivant des règles fixes. »[22]. Dorian Gray, le personnage d’Oscar Wilde n’est-il pas semblable à ce « pauvre acteur qui s’agite et parade une heure sur la scène » et dont le vrai visage reste caché des regards, en coulisses ?[23]

Cependant ce n’est pas dans cette direction « artificialiste » que le mot se développera en philosophie. Sa signification essentielle se fixera à la fin de l’Antiquité sous l’influence de la théologie chrétienne. Dans la Bible on constate que Dieu prend différents noms, qu’Il se décline en plusieurs personnes : Père, Fils et Esprit. Saint Augustin, l’évêque d’Hippone s’interroge dans son De Trinitate : « Pourquoi donc n’appelons-nous pas les trois una persona aussi bien qu’une seule essence et un seul Dieu ? Pourquoi tres personae, alors que nous ne parlons pas de trois Dieux ni de trois essences ? »[24] C’est Boèce qui s’attache à définir plus précisément la notion par rapport à celle de nature (natura) et cela dans un contexte christologique : « Puisque la personne ne peut exister en dehors d’une nature, et puisque les natures sont ou bien des substances ou bien des accidents, et que nous voyons que la personne ne peut être rangée parmi les accidents, il reste que la personne ne se dise proprement que des substances. »[25] Mais de quel type de substance parle-t-on au juste ? La personne ne peut pas se dire des corps inanimés, ni même des êtres vivants privés de sensibilité, ni même encore des animaux qui privés du langage et de la raison, restent rivés à leurs instincts. Car, ajoute Boèce, nous disons qu’il y a la « personne » de Dieu, de l’homme et de l’ange. » Mais alors s’agit-il de substance universelle ou de substance particulière ?

La personne ne peut être attribuée qu’à la substance particulière. Qu’est-ce à dire ? Boèce répond ainsi : « la personne est substance individuelle de nature rationnelle. »[26]. Au XIIe siècle, Richard de Saint-Victor affirme que la personne est « l’existence incommunicable d’une nature intellectuelle »[27]. Or à partir de là peut se constituer une définition « moderne » de la personne, comme noyau ontologique distinct qui possède en propre une dignité.[28] C’est à partir de ce dernier point que nous pouvons envisager la formation intégrale de la personne à partir de son intériorité, comme un geste de création résultat d’une interaction dynamique entre la liberté personnelle et un ensemble de donnés extérieures et intérieures au sujet. Aussi, depuis cette considération, comment envisager les fondements d’une anthropologie chrétienne de l’éducation ?

Former la personne humaine

L’éducation s’incarne toujours dans l’espace concret d’une relation vivante. Dans une classe de philosophie, cela passe par l’écoute, la distance critique, la réponse argumentée : comment conduire le jeune à formuler ses idées, à aiguiser sa conscience à la lumière de l’Esprit ? Et la prise en compte de cette dimension relationnelle implique de considérer l’élève comme un être en formation, et donc comme une personne perfectible. Édith Stein le dit bien quand elle affirme que « l’Homme ne vient pas au monde “achevé”. Tout au long de sa vie, il doit se construire et sans cesse se renouveler dans un processus permanent de transformation, sans jamais atteindre un état définitif. Il doit également se procurer la force nécessaire pour agir et puiser dans son être inférieur dont il a besoin pour son être supérieur. »[29]


« Contre « la tiédeur » qui consiste à rentrer dans les clous, l’enseignant a l’audace d’une revendication : celle d’une indépendance – celle à laquelle F. Nietzsche appelle ceux qui osent voyager, se laissent déplacer, et ne s’enlisent pas dans des routines »


Et cette « construction » de l’être passe par une nourriture que l’enseignant doit apporter avec discernement. C’est là tout le processus de connaissance qui rejoint l’exigence de l’éducation chrétienne, fondée sur la dignité de l’Homme et sur son chemin de libération intérieure en Christ, « Vérité, Vie et Chemin » (Jn 14) : la vie pleine et entière, la vie vraiment vécue s’ancre sur une éducation réussie, celle qui a formé, nourri, fait grandir le jeune en lui permettant de recevoir et de discerner, d’être attentif et de persévérer dans le Bien. L’œuvre de l’éducateur c’est l’existence libre du jeune, une existence qui pour lui a du sens : un jeune qui sait d’où il vient et où il va. En ce sens, on peut dire que l’éducation est un geste anthropologique intégral qui s’exerce inséparablement sur le corps, les facultés spirituelles de l’âme, et le sens affectif qui désigne la capacité de s’ouvrir au monde des valeurs chrétiennes de justice, de charité et de vérité. Nourrir le corps et l’âme c’est faire de l’éducation un geste eucharistique.

L’enseignement : un geste eucharistique

Qu’en est-il aujourd’hui de notre rapport aux élèves, à ces jeunes citadins du XXIe siècle qui ont connu la crise sanitaire de la Covid-19, qui traversent un temps de crises, d’incertitudes, de tensions politiques ? Je pense que tous ces jeunes, avec leurs différences propres, ont faim et soif d’une autre nourriture. Ce n’est pas celle des « fast-food », de la « grunge food », c’est une nourriture de vie éternelle qu’ils réclament :  ce qui nourrit le corps et l’âme pour les faire grandir en humanité, en liberté, en charité. Car personne n’est fait pour le repli sur soi, l’individualisme égoïste et destructeur, la violence et le rejet des autres. Nous sommes faits pour le ciel, donc pour l’amour de Dieu qui est au plus intime de nous. Mais nous l’oublions, nous nous en éloignons. Comment l’enseignant doit-il se tenir face à ce constat ? Il doit rester confiant, se maintenir dans une attitude d’espérance en la force de la Résurrection du Christ. Sa conscience l’appelle à frayer la voie à la suite du Christ Jésus, l’Agneau de Dieu, à ouvrir des horizons de sainteté, à se faire lui-même instrument de paix et d’unité. C’est en cette attitude orante que l’enseignant devient serviteur à la suite du premier Serviteur, le Fils du Dieu vivant. L’enseignant se manifestera ainsi comme un adverbe auprès du Verbe, comme le lui rappelle l’incipit de la règle de saint Benoît : « Écoute, mon fils, les préceptes du maître et tends l’oreille de ton cœur. Reçois volontiers l’exhortation d’un père si bon et mets-la en pratique, afin de revenir par le labeur de l’obéissance à celui dont t’avait détourné la lâcheté de la désobéissance. » Car cette obéissance rend libre. Elle n’a rien d’une soumission, elle s’inscrit au contraire comme un chemin d’écoute intérieure et de libération profonde pour faire jaillir en soi la vie reçu le jour du baptême : la vie de la grâce. Comme le dit saint Paul aux Éphésiens, cette vie rend vraiment libre et saint. C’est la vie de « l’Homme nouveau qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté de la vérité. »[30]

La foi en Dieu est le moteur de cette œuvre commune pour le Royaume et sa Justice. L’enseignant qui est « canal de grâce » fait advenir cette source intérieure de pure donation divine en chacun de ses élèves, il fait jaillir l’eau du baptême qui est présente dans chaque cœur humain, il éveille les intelligences, les consciences, à cette présence de Bonté et encourage à se mettre en chemin pour Le désirer. Aussi les élèves sont-ils nourris de cette nourriture christique qui fait croître en liberté. C’est un Royaume de lumière divine qui éclaire depuis le fond de l’âme : quand la grâce influe dans l’âme, celle-ci est comblée, nourrie de cette lumière. Elle s’épanouit : sa joie devient spacieuse, et rayonne autour d’elle. Elle devient féconde pour le Règne de Dieu. Saisie par la grâce, l’âme de l’élève s’élargit aux dimensions de la sainteté. En effet, la grâce doit être active dans l’âme, pour que celle-ci puisse la saisir et entrer dans un processus de conversion, de transformation de ses réactions naturelles, sous la motion de l’Esprit et de ses dons surnaturels. Et à la faveur de l’œuvre de l’Esprit, l’âme s’ouvre, à partir de son intériorité, à Dieu lui-même et elle se laisse attirer par Lui, car « l’Homme ne peut rien faire s’il n’est mû par Dieu », affirme saint Thomas d’Aquin sur le fondement de Jean 15, 15 : « Je suis la vigne ; vous, les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi, vous ne pouvez rien faire. »[31] Et pour saint Thomas d’Aquin, l’amour est non seulement la source des dons, mais encore le premier don par lequel les autres sont donnés[32]. C’est ce rapport profond, ce lien d’amour que l’enseignant doit rendre possible. Il tient ainsi le rôle d’un passeur, d’un éveilleur à la suite du Christ qui ouvre en nous des chemins de vie incommensurable. C’est ainsi que l’élève retrouvera sa singularité propre, ce « fond » de lui-même qui établit le lieu de son désir de Dieu, sa véritable faim, sa véritable soif, ce que je me risque à appeler ici son ipséité eucharistique. C’est le plus propre de son âme. Car comme nous le rappelle Édith Stein, « l’individualité n’est pas une disposition à certaines réactions, ni une faculté psychique. Elle se tient derrière toutes les dispositions et réactions naturelles. Là où elles sont présentes, elle leur imprime son sceau, mais elle en est indépendante et ne disparaît pas avec celles-ci. »[33] Aussi l’âme est-elle donnée à elle-même par la grâce et vient-elle à soi par un dépouillement intérieur de toutes les images créées, un abandon qui libère et fait entrer dans la paix véritable : « Embrasser la grâce sans recours. C’est la plus décisive façon de l’âme de se détourner d’elle-même, le “lâcher-prise” le plus inconditionnel. Mais pour pouvoir ainsi lâcher prise, il faut que l’âme se ressaisisse avec fermeté, se ramasse totalement autour de son centre, au point de ne plus pouvoir se perdre. L’abandon est l’acte le plus libre de la liberté. Celui qui, ainsi, se confie à la grâce sans plus se soucier de soi – de sa liberté et de son individualité –, celui-là y pénètre – étant tout à fait libre et parfaitement lui-même (ganz frei und ganz er selbst). »[34] Comme nous le dit saint Benoît dans sa Règle, au sujet du père abbé, l’enseignant est appelé à laisser place au Christ, le Verbe de Dieu, à faire place à sa parole de vie pour parler en vérité – autrement dit pour servir le Christ et ne pas se servir du Christ : « L’abbé ne doit rien enseigner, rien établir ni prescrire qui ne soit conforme aux préceptes du Seigneur ; mais ses ordres et son enseignement répandront un ferment de sainteté dans l’esprit des disciples. L’abbé se souviendra toujours que son enseignement comme l’obéissance des disciples seront, l’un et l’autre, soumis au redoutable jugement de Dieu. Et qu’il sache que l’on imputera comme faute au pasteur tout mécompte que le père de famille trouvera en ses brebis. »

Dans la maturation du jeune, dans ce processus de libération intérieure et de constitution de l’être libre, unifié dans le soi profond, l’enseignant devient médiateur de grâce dans et par sa parole, mais aussi à travers sa prière : le salut suscite et engage sa liberté d’enseignant. C’est dans la sphère de la liberté qu’est ancrée sa responsabilité d’enseignant, de telle sorte que s’établit paradoxalement un lien vital entre le sujet libre de l’enseignant et les jeunes en formation qui lui sont confiés – au point même que sa personne peut se définir comme un être en relation. Il rejoint ainsi le sens profond de la prière sacerdotale du Christ : « Je ne prie pas seulement pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un. Comme Toi, Père, Tu es en moi et moi en Toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la gloire que Tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux et Toi en moi, pour qu’ils soient parfaitement un, et que le monde reconnaisse que Tu m’as envoyé et que Tu les as aimés comme Tu m’as aimé. »[35]

Éduquer est un acte qui engage toute la personne. L’éducateur est un pédagogue qui accompagne l’adolescent sur le chemin de sa liberté d’adulte responsable. Édith Stein ne cesse d’insister sur cet accompagnement qu’elle considère comme central pour une éducation réussie. Elle y voit non seulement un enjeu moral, mais aussi un enjeu spirituel. Car il ne s’agit pas seulement d’en rester à la formation de la conscience du sujet, à « cette seule force structurante en l’homme »[36]. Il faut aussi « nourrir » la dimension profonde de cette conscience, c’est-à-dire relier le sujet adolescent à la source de la vie divine en lui. Pour cela, Édith Stein exhorte l’éducation à s’adresser à toute la personne, corps & âme. Pour le dire autrement, elle l’invite à considère autant la part intellectuelle que la part psychologique ou affective de son être. C’est dans et par cette unité que l’éducateur pourra envisager une véritable recréation de la personne à partir de l’intériorité. Mais comment envisager cette double réalité ? Sous quel régime la penser ?


« Édith Stein définit la personne comme “un sujet spirituel”, c’est-à-dire comme quelqu’un capable de sentir Dieu au fond de Lui.»


En matière d’éducation, l’Homme n’est pas la seule mesure de l’Homme. Le seul recours à la nature n’est pas suffisant : pour Édith Stein, il est nécessaire de la penser avec la grâce. L’éducation rend possible ce lien par un ajustement lent et patient de la volonté humaine à la volonté divine. Il convient donc de donner à l’homme la place qui lui revient : sa part de beauté, de vertus, son libre arbitre aussi. Mais cette place, pour être réelle et effective, ne peut se trouver elle-même, devenir ce qu’elle est, qu’en se reliant à sa source. Et cette source est divine. Aussi peut-on dire que selon Édith Stein, l’éducateur n’est qu’un adverbe auprès du Verbe : sa parole prend son origine en Dieu. Depuis cette origine, elle déploie toute sa profondeur. C’est pourquoi Édith Stein affirme avec force que « l’éducateur humain le plus grand et le plus essentiel n’est pas l’être humain, mais Dieu. »[37] La grâce n’est donc pas contingente mais nécessaire. Elle rend l’éducateur disponible à l’écoute attentive de l’adolescent, elle l’ordonne à la recherche de son bien et de sa liberté, et lui donne le courage de l’orienter vers une recherche commune de la vérité. L’éducateur qui cherche Dieu, s’efforce d’accorder sa volonté à celle de Dieu qui est Vérité[38], répond librement au mouvement de la grâce, et confie ainsi toute sa personne d’éducateur, corps et âme, au don de la présence divine, à sa sagesse, à son intelligence. Car la logique de Dieu défie notre logique, la renverse : elle nous remet en quelque sorte à notre place, renvoyant les normes posées par l’école à leur relativité : « Ici nous ne voyons qu’à travers un miroir, comme en énigme ».[39] En se plaçant sous le regard de Dieu, l’ordre de nos valeurs semble être renversé. Se laisser convertir par la puissance de l’Esprit, et donc accepter ce mouvement intérieur de la grâce, est un fondement de l’éducation spirituelle qui parachève la morale : en effet, c’est dans ce mouvement même, et par lui, que s’accomplit la véritable liberté de l’Homme, et qu’il accède à son intégrité de personne corps et âme. Édith Stein définit la personne comme « un sujet spirituel », c’est-à-dire comme quelqu’un capable de sentir Dieu au fond de Lui. Ce « sentir » rejoint la faculté du cœur chez Pascal. Car chez le philosophe français du XVIIème siècle, c’est lui qui sent Dieu et non pas la raison. Par suite, nous pouvons dire que « l’Homme passe infiniment l’Homme » : par la grâce, une dimension de la conscience est élevée et accomplie. Édith Stein affirme quant à elle que « la seule force formatrice qui ne soit pas dépendante des limites imparties par la nature, mais qui puisse encore transformer du devant la forme intérieure elle-même : c’est la puissance de la grâce. »[40] Sur cette affirmation, nous pouvons dire que la puissance qui libère l’Homme ne vient pas de lui-même, mais de la Présence divine en lui : cette Présence réside au plus intime de lui-même en même temps qu’elle le transcende. Cette intimité touche une profondeur sans fond de l’âme, un abîme semblable à un « inconnu » de l’âme elle-même. En cette intériorité, l’éducateur puise l’esprit de son enseignement. Il y va comme d’une « source d’énergie »[41] en lui. Et cette source est la Vérité. Chercher la vérité, c’est chercher Dieu, et ainsi puiser à cette source est se relier à Dieu.


[1] PLATON, Théétète
[2] République VI
[3] Id. VII
[4] Alain, Propos I
[5] La vie d’Édith Stein est marquée par une quête inlassable de la vérité et, plus précisément, par le désir de comprendre le mystère de la personne humaine. Du premier écrit phénoménologique (1916) aux dernières réflexions sur la mystique (1942), en passant par un approfondissement philosophico-théologique, cette recherche est chez elle une constante.
[6] É. STEIN, « Le château de l’âme », De la personne, Annexe IIII, p. 124. En tant qu’éducateurs et enseignants chrétiens, c’est essentiel d’insister sur ce point, car la concentration dans ce fond de l’âme dont parle E. Stein et dont parlait Maître Eckhart avant elle (Sermon 2), est une réalité peu vécue, voire même oubliée. Elever les jeunes c’est le conduire vers le chemin d’une intériorisation de leur personne (cf. La Science de la Croix, p. 177 ; L’Être fini et l’Être éternel, p. 436).
[7] É. STEIN, La Science de la Croix, p. 181.
[8] Ibidem, p. 179.
[9] Ibid., p. 175-176. Pour Édith Stein, l’enracinement de la personne dans son intériorité et le contact avec Dieu permettent le plein épanouissement de sa personnalité. L’approche qu’Édith Stein nous propose de l’intériorité de la personne nous permet d’accéder à une compréhension éthique et spirituelle de l’éducation.
[10] É. STEIN, L’Être fini et l’Être éternel, p. 363.
[11] Les fondements de l’éducation féminine, p. 101. Cette discipline exigée par la philosophie tient non seulement à l’exercice d’une suspension du jugement : apprendre à nos jeunes à se détacher des sollicitations externes, des images pour mieux se recentrer en ce point intérieur où le je a sa demeure, ce centre immobile de l’âme en lequel il a son chez-soi à proprement parler. C’est là qu’il est toujours appelé à nouveau pour y prendre les décisions ultimes auxquelles un être humain est appelé en tant que personne libre.
[12] É. STEIN, Les fondements de l’éducation féminine, p. 91. Édith Stein signifie que ce processus s’appuie sur un fondement naturel qu’elle réfère à ce qu’elle nomme « la forme intérieure ».
[13] B. PASCAL, Pensées.
[14] L’éducation des sens favorise alors une ouverture consciente, une écoute vraiment réceptive des choses et des êtres. Ainsi se développe une qualité de concentration intérieure qui, en libérant l’homme d’une vie purement instinctive, le dispose à la vie de l’esprit, et le rend hospitalier d’une parole philosophique. Et à cet égard, Édith Stein comme Simone Weil insistent sur la vertu de l’étude capable de structurer l’intériorité en fournissant à l’esprit une nourriture solide lui permettant d’échapper à l’oisiveté et à la dispersion.
[15] É. Stein, De la personne humaine, p. 22.
[16] Et cela va à rebours de nos sociétés de replis, d’individualismes, qui alimentent la peur et le rejet de la différence. Dans l’œuvre d’Édith Stein, l’altérité apparaît comme constitutive de la personne humaine. Pour Édith Stein, je ne suis que par l’autre, je n’existe que par l’autre, je ne me découvre que par l’autre. D’un point de vue proprement subjectif, j’ai besoin de l’autre pour me connaître (empathie), j’ai besoin de l’autre pour vivre (la communauté). Finalement, comme le révèle l’expérience mystique, j’ai besoin du Tout-Autre pour devenir véritablement moi-même. Cependant, l’autre, ce n’est pas seulement l’alter ego, la communauté ou Dieu. L’autre désigne aussi des réalités objectives. D’une part, les valeurs façonnent la personnalité. D’autre part, la raison humaine ne peut se suffire à elle-même pour se forger et se développer. Déjà, pour devenir ce qu’elle est, celle-ci se laisse enseigner par d’autres. Ainsi la pensée d’Édith Stein s’est-elle mise à l’école d’Edmund Husserl, de saint Thomas d’Aquin ou encore de saint Jean de la Croix. Plus fondamentalement, la reconnaissance des limites de la raison humaine apparaît dans le recours à la foi et à la Révélation, non seulement dans le cheminement mystique décrit par Jean de la Croix, mais aussi, plus étonnamment, au cœur même de la philosophie qui devient ainsi philosophie chrétienne. Donc, l’altérité semble intrinsèquement liée à la personne humaine. Bien plus, elle en apparaît comme un fondement.
[17] F. NIETZSCHE, Le Gai Savoir, Livre cinquième, § 380 « Le voyageur parle ».
[18] SAINT THOMAS D’AQUIN, Somme théologique Ia, q 29, a 3, resp.
[19] CICERON, De officiis 1, 31, 110.
[20] Op. cit. I, 30, 107 sqq.
[21] SAINT PAUL, Rm VII, 18-24. Cf. Ép III, 14-19.
[22] R. DESCARTES, Cogitationes Privatae, Praembula (1619), in Œuvres inédites. C’est à la mort qu’on doit ôter la persona selon une citation de Sénèque (Epist. 24, 12) dont se souviendra Montaigne dans ses Essais.
[23] Cf. Shakespaere, Macbeth, V, 5. “Life’s but a walking shadow, a poor player, that struts and frets his hour upon the stage, and then is heard no more it is a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing.”
[24] De Trinitate 7, 6, 11.
[25] Contra Eutychen, 2-3, PL 64, 1342 sqq, trad. H. Merle.
[26] Ibidem.
[27] Richard de Saint-Victor, De Trinitate 4, 22, PL 196, 945.
[28] Saint Bonaventure, In libr. 2, 2 Sent d 3, p. 1, a. 2, q. 3), et la maîtrise de ses actes. Cf. Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique I a q 29, a 1, resp.
[29] E. Stein, De la personne humaine, p. 193 sqq.
[30] SAINT PAUL, Épître aux Éphésiens 4, 24.
[31] SAINT THOMAS D’AQUIN, Somme théologique, Ia, q. 109, a. 6, ad 2).
[32] Somme théologique, Ia, q. 38, a. 2. Cf. Lc 6, 34.
[33] É. STEIN, Liberté et grâce, p. 36.
[34] Ibidem, p. 40.
[35] Jn 17 20-23.
[36] É. STEIN, De l’art de donner forme à sa vie, SC, p. 96.
[37] Vie chrétienne de la femme, F, p. 198.
[38] Jn 14, 6.
[39] SAINT PAUL, 1 Cor 13, 12.
[40] Les fondements de l’éducation féminine, p. 93.
[41] L’Être fini et l’Être éternel, p. 441.